UN SÉQUESTRE POUR L'ÉTERNITÉ ?
Éric Delcroix
Les historiens révisionnistes ont payé fort cher la
liberté d'expression, liberté que la loi dogmatique du 13 juillet 1990
prétend leur ravir.
Paradoxalement, c'est une condamnation du professeur Faurisson qui a fondé la
jurisprudence à cet égard. En 1979, celui-ci était poursuivi par la LICRA et
huit autres associations coalisées pour «falsification de l'histoire». De ce
point de vue les parties poursuivantes échouèrent, la condamnation ayant été
prononcée sur un argument de raccroc — deus ex machina — s'agissant
d'un argument qui n'avait pas été débattu. En effet, la condamnation fut
motivée par le fait que le professeur, qui aurait été conduit à adopter
parfois un ton polémique dans l'adversité, n'aurait :
jamais su trouver un mot pour marquer son respect aux victimes en rappelant la réalité des persécutions raciales et de la déportation en masse…
C'était là une erreur de la cour, car l'universitaire
dissident avait bien exprimé un tel «respect aux victimes». De surcroît, la
recherche historique, conformément à l'enseignement de Thucydide, n'est
possible que libérée des appréciations moralisantes.
Mais ce qu'il faut retenir de l' «affaire Faurisson», c'est que celui-ci, dont
les arguments, la méthode et l'honnêteté n'ont pu être pris en défaut, a
conduit la justice à déclarer :
Considérant que les premiers juges ont rappelé avec raison
que les tribunaux ne sont ni compétents ni qualifiés pour porter un jugement
sur la valeur des travaux historiques que les chercheurs soumettent au public et
pour trancher les controverses ou les contestations que ces mêmes travaux
manquent rarement de susciter [1] ;
[…] Que la valeur des conclusions défendues par M. Faurisson relève […] de
la seule appréciation des experts, des historiens et du public (cour d'appel de
Paris, 26 avril 1983, présidence de M. Grégoire).
Cette décision a fait jurisprudence, mais de façon souvent
plus incantatoire que positive : il semble acquis pour l'Établissement
judiciaire que les adversaires des révisionnistes ont l'avantage de
l'opportunité et le monopole de l'émotion.
C'est pour pouvoir livrer les travaux révisionnistes à «la seule
appréciation des experts, des historiens et du public» que Pierre Guillaume
créa, en 1987, la revue Annales d'Histoire Révisionniste, périodique
trimestriel qui précéda la présente Revue d'Histoire Révisionniste.
Les Annales devaient connaître huit livraisons, datées du printemps
1987 au printemps 1990. On leur doit notamment la publication des principaux
extraits en français du premier Rapport Leuchter, première et unique étude
technique des prétendues chambres à gaz homicides d'Auschwitz et de Majdanek
(n° 5, été-automne 1988, p. 51-102). Contrairement, en effet, à ce qui se
passe pour n'importe quel crime banal, jamais aucune expertise criminalistique
n'avait été faite de l'arme de ce qui aurait été le plus grand crime de
l'histoire…
Alors que les Annales purent être publiées librement, sans aucune
concession, par abonnements comme par les messageries de presse fournissant les
kiosques, une opération singulière devait entraver la distribution du seul
premier numéro par les messageries de la presse parisienne (NMPP).
Tandis que ce premier numéro était normalement distribué dans les points de
vente, une kyrielle d'associations, auxquelles devait s'adjoindre le ministère
public aux ordres de M. Chalandon, Garde des Sceaux, en demandaient la saisie au
président du tribunal de grande instance de Paris. Il est bon de retenir que
ces associations étaient : l'Amicale d'Auschwitz, l'Amicale de Buna-Monowitz,
l'Amicale des Déportés Juifs de France, l'Amicale des Déportés de
Blechhammer (Auschwitz III), la LICRA, le MRAP, l'Association des Fils et Filles
de Déportés Juifs de France et la Ligue Française pour la Défense des Droits
de l'Homme et du Citoyen. M. Pluyette, magistrat délégué par le président du
tribunal, rendait son ordonnance, le 25 mai 1987, ordonnance aux termes de
laquelle il disposait :
[…] Faisons interdiction à Pierre Guillaume en sa
qualité d'éditeur de la revue incriminée et à la Société des Nouvelles
Messageries de la Presse Parisienne de poursuivre actuellement la distribution,
la diffusion et la vente du premier numéro de la revue «Annales d'histoire
révisionniste» ;
Disons que cependant Pierre Guillaume pourra seulement poursuivre la vente par
abonnement, à l'exclusion de toute vente dans des lieux accessibles au public ;
[…]
Ordonnons que la Société des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne
sera séquestre judiciaire de tous les numéros de cette revue qu'elle détient…
Cette ordonnance, jamais renouvelée pour les autres livraisons des Annales, aboutissait à donner au seul numéro considéré un statut «prétorien» empirique calqué sur celui de la presse pornographique, préfiguration des mesures prises contre la presse révisionniste en 1990 par Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur. Celui-ci a eu recours à la loi du 16 juillet 1949 pour la protection de la jeunesse, opportunément étendue, à l'initiative de M. Chalandon aux belles heures de la «cohabitation», aux publications qui encourageraient «à la discrimination ou à la haine raciale». Il faut savoir, toutefois, que le statut prétorien empirique en question s'inspirait d'un précédent imprudemment provoqué par des catholiques traditionalistes. C'est ainsi que sont réapparues, dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de M. Pluyette, les idées qui avaient prévalu contre l'affiche agressive du film Ave Maria [2] en ces termes :
Attendu que la libre expression des idées et des opinions […]
ne peut subir de restriction, par la voie de la procédure du référé,
qu'autant que le trouble manifestement illicite, visé par l'article 809 du
Nouveau Code de Procédure Civile, se trouve constitué soit par une atteinte
intolérable ou une intrusion injustifiée dans l'intimité de la vie privée
d'une personne physique, soit dans une agression dont la violence extrême ou la
répétition délibérée mettent la personne visée dans l'impossibilité
absolue de se défendre et de répondre aux attaques qui lui sont portées, sauf
à subir les effets de ce qui ne serait alors qu'une pure et simple persécution
;
Que ce trouble illicite se trouve également constitué lorsqu'une personne ou
un groupe de personnes se voit imposer dans l'exercice de sa liberté d'aller et
venir une atteinte particulièrement grave à des convictions les plus
fondamentales de l'Homme, dont il peut être demandé légitimement le respect,
alors que cette forme d'agression est de nature à constituer une provocation à
la discrimination, à la haine ou à la violence en raison de leur origine ou de
leur appartenance ;
Attendu que Pierre Guillaume […] a délibérément diffusé son premier
numéro, essentiellement consacré à la négation de l'existence du génocide
juif, au moment précis où s'est ouvert le procès de Klaus Barbie… ;
Que, même s'il n'est pas mentionné le nom de Klaus Barbie dans le numéro
incriminé, par la distribution et l'exposition de l'ouvrage dans tous les lieux
desservis par les NMPP , il a imposé au public et particulièrement aux
familles de toutes les victimes du nazisme ainsi qu'à tous ceux qui estiment se
reconnaître dans une origine juive, l'affirmation de l'irréalité d'un
martyre, sans qu'ils puissent, en l'état, le contester…
Dans le cas des affichages publicitaires du film Ave Maria
sur les grands boulevards de Paris, tout un chacun se voyait en effet
éventuellement choqué dans ses convictions religieuses, simplement en
exerçant sa «liberté d'aller et venir», mais est-ce raisonnablement le cas
de celui qui va acheter son journal dans un point de vente, où s'entassent
toutes sortes de revues pleines d'insanités ? D'autant plus que les Annales,
de présentation sobre et discrète, n'avaient pas les moyens de proposer aux
revendeurs des affichettes de devanture. A vrai dire, il fallait vouloir les Annales
pour les trouver.
Et puis, quelles sont les «convictions de l'Homme» judiciairement protégées
? Pas celles de Pierre Guillaume et des révisionnistes, suppose-t-on,
«hommes» sous «h» minuscule, véritables dissidents dont la situation, en
butte aux efforts conjugués de la Justice et de l'Administration, est de plus
en plus comparable à celle des opposants soviétiques d'avant la Perestroïka.
Par ailleurs, l'argument selon lequel les supposées victimes induites de M.
Guillaume auraient été «dans l'impossibilité absolue de se défendre et de
répondre aux attaques [?]» ou «en l'état, [de] contester» son discours ne
résiste pas à l'examen, même le plus sommaire. En effet, chacun sait que,
face à la revue de Pierre Guillaume et ses quelque deux mille exemplaires, se
dresse la totalité des grands et moyens médias, écrits et audiovisuels !
«Haro sur le baudet ?»
Enfin, il est choquant de voir qu'une décision de justice, même provisoire
comme une ordonnance de référé, puisse trouver une justification à la
suspension d'une Liberté publique dans le fait qu'elle pourrait nuire, et au
surplus indirectement, au monopole de la thèse de l'accusation dans le cadre
d'un procès en cours par ailleurs [le procès Klaus Barbie].
Ce nonobstant, Pierre Guillaume n'interjeta pas appel de l'ordonnance de Gérard
Pluyette en s'expliquant ainsi dans la deuxième livraison des Annales
d'Histoire Révisionniste (été 1987, p. 156) :
[…] j'ai renoncé à faire appel de l'ordonnance. Trop c'est trop ! Je suis las et fatigué. Il ne m'appartient pas de laisser croire que je m'adresse avec confiance à la justice de mon pays. Il ne m'appartient pas de donner l'occasion à l'institution judiciaire de restaurer une dignité compromise. Je respecterai et appliquerai par force la décision du juge et je réserve ma position définitive en cette affaire, d'autant plus que je n'ai aucune nouvelle à ce jour de la saisine des juridictions du fond, évoquée par nos adversaires et par le juge pour justifier ce séquestre prétendument conservatoire.
Et puis le procès de M. Barbie s'était terminé, sans
surprise aucune, et en présence d'une défense qui n'osa pas la «rupture»
révisionniste. De plus, le délai libératoire de trois mois, délai de
prescription propre aux affaires de presse, s'était écoulé. Et cela sans que
le directeur et éditeur des Annales eût été poursuivi pour une
hypothétique «provocation à la discrimination, à la haine ou à la
violence» envers un groupe de personnes en raison de son origine, groupe censé
représenter ici «les convictions les plus fondamentales de l'Homme». Mais de
«saisine des juridictions du fond», nenni…
Plusieurs centaines de volumes des Annales restaient séquestrés aux
NMPP sans que l'on sût trop pourquoi, puisque la diffusion par abonnement
demeurait libre. Dès lors, Pierre Guillaume ne pouvait faire autrement, alors
qu'il ne pouvait plus satisfaire l'afflux de nouveaux abonnés, que de saisir
lui-même le juge du fond.
Et là, les choses se passèrent à peu près normalement au regard du droit de
liberté d'expression. Saisi par assignation à jour fixe (procédure d'urgence
ordinaire en matière d'entrave à la diffusion d'un périodique), la première
chambre du tribunal de grande instance de Paris, que présidait M. Diet,
entendait les plaidoiries le 18 novembre 1987 et prononçait son jugement le 16
décembre suivant. Ce jugement disait d'abord recevable l'action de M.
Guillaume, contre l'avis des associations. Sur le fond, il ne désavouait pas M.
Pluyette mais il constatait logiquement que les conditions énoncées dans son
ordonnance étaient désormais caduques. Il disposait en conséquence :
Ordonne la mainlevée de l'interdiction qui a été prononcée, à titre provisoire, par l'ordonnance de référé du 25 mai 1987 et des mesures qui en ont été la suite.
Les associations coalisées, dans leur volonté de censure, n'acceptèrent pas ce jugement et en relevèrent appel, suspendant de ce seul fait son exécution. La procédure au fond reprenait donc, et la cause était plaidée devant la cour le 16 mai 1988, le représentant du Parquet, l'avocat général Lupi, ayant opiné en faveur de la confirmation du jugement, donc au côté de M. Guillaume, au nom de la liberté de la presse.
La cour, sous la présidence de M. Gelineau-Larrivet, rendit
un premier arrêt le 27 juin 1988, arrêt qui, s'il reconnaissait la
recevabilité de l'action pendante, ne tranchait pas mais prononçait le sursis
à statuer. La cour estimait, en effet, devoir attendre l'aboutissement d'une
instruction pénale introduite à Auch (Gers) contre MM. Guillaume, Faurisson et
Mattogno. Et ce, en vertu du principe qui veut que l'autorité de la juridiction
pénale prime celle de la juridiction civile, en cas de concordance simultanée
d'objet (et qu'exprime l'adage «le criminel tient le civil en l'état»).
Seulement, si l'existence de cette procédure parallèle avait été mentionnée
lors des débats, aucune partie n'avait demandé ce sursis à statuer. Et pour
cause : cette autre affaire, pendante à Auch, si elle concernait bien des
écrits publiés dans la livraison litigieuse des Annales, était, dans
l'esprit des plaideurs, étrangère à la cause car fondée sur les
qualifications d' «apologie de crime de guerre et propagation de fausses
nouvelles». Rien à voir, donc, avec l'hypothèse émise dans l'ordonnance de
1987, mentionnant seulement une éventuelle «provocation à la discrimination…».
L'argument surprenait tout le monde, mais prenait surtout à contre-pied M.
Guillaume, son avoué, Me Ménard, et moi-même, coincés dans un cas de figure
que nous n'avions pu imaginer. C'est que nous n'avions pas été invités à
présenter nos objections, contrairement à ce que prévoit l'article 16 du
Nouveau Code de Procédure Civile qui vise à pallier une telle occurrence en
disposant :
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et
observer lui-même le principe de la contradiction.
[…]
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés
d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs
observations.
Le 31 octobre 1989, Mlle Bergougnan, juge d'instruction à
Auch, rendait une ordonnance de non-lieu, mettant un point final à cette
procédure, puisque ni le Parquet, ni les parties civiles parmi lesquelles
figurait la Ligue des Droits de l'Homme, ne firent appel.
Dès lors, Pierre Guillaume fit réinscrire la cause au rôle de la cour,
puisque la condition qui assortissait le sursis à statuer était réalisée. Il
se retrouvait, quoique sans illusions, apparemment en bonne position contre ses
censeurs. La dernière réticence de la cour à lui donner raison, au moins en
confirmant le jugement entrepris, venait, semblait-il, de s'évanouir.
La nouvelle date des plaidoiries était fixée au 21 mai 1990. Quelques jours
auparavant, le président Vengeon informait Me Ménard d'une demande de renvoi
formulée par le Parquet, demande qu'il entendait satisfaire. C'est dans ces
conditions que l'évocation de ce qui est probablement le contentieux le plus
long de l'histoire de la presse périodique fut remise au 26 septembre 1990.
M. Guillaume, qui se doutait que le Parquet général ne cherchait qu'à gagner
du temps dans l'attente d'un mauvais coup du Pouvoir, n'accepta pas cette manœuvre.
Il me demanda de ne pas plaider à la date de renvoi.
De fait, M. Joxe prit un arrêté, le 2 juillet suivant (J.O. du 6
juillet 1990), visant la loi de 1949 aggravée, comme on sait, à l'initiative
de M. Chalandon, arrêté à l'encontre des Annales. La même mesure a
frappé la présente Revue d'Histoire Révisionniste, lui donnant ce
statut que M. Pluyette avait voulu, de façon circonstancielle, pour la
première livraison des Annales. Rien que des abonnements, et sans
publicité…
Le 26 septembre dit, la cause fut donc plaidée, hors ma présence, pour les
raisons que l'on vient de voir. Le substitut général, M. Delafaye,
représentant le Parquet, prit, comme son homologue de 1988, position en faveur
de la confirmation du jugement obtenu par le directeur et éditeur des Annales,
tout en faisant valoir de sa voix officielle que l'existence de l'arrêté du
ministre de l'Intérieur ne permettrait pas :
aux tenants du révisionnisme de chanter victoire,
ce qu'il n'aurait pas pu dire si l'affaire avait été
plaidée normalement, le 21 mai…
Et la première chambre de la cour, composée, outre le président Vengeon, des
conseillers Canivet et Hannoun, a enfin prononcé son arrêt, à la date du 31
octobre, disposant :
infirme le jugement du 16 décembre 1987 en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'interdiction prononcée à titre provisoire par l'ordonnance de référé du 25 mai 1987 et des mesures qui en ont été la suite.
Statuant à nouveau,
Déboute M. Guillaume[…]
Condamne M. Guillaume à payer la somme de deux mille francs aux Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne et à chacune des associations appelantes
Condamne M. Guillaume aux dépens de première instance et d'appel […].
Or, comment la cour a-t-elle pu se prononcer ainsi ? La
réponse est bien sûr dans l'exposé des motifs de l'arrêt… où l'on trouve
des cas de cassation qui devraient retenir l'attention des commentateurs.
En premier lieu, la cour s'appuie sur la Loi-dogme du vendredi 13 juillet de
l'année en cours (J.O. du 14 juillet 1990), pour dire que M. Guillaume
(sanctions financières à l'appui) et les premiers juges ont eu tort trois ans
et demi auparavant. Pourtant, M. Delafaye avait mis la cour en garde contre la
tentation d'invoquer l'ordre public pour faire une application immédiate de la
nouvelle loi, en écrivant dans ses conclusions :
La loi du 13 juillet 1990, en effet, qui érige en délit la
contestation de l'existence des crimes contre l'humanité n'exige-t-elle pas de
vous, au nom de l'ordre public, parce qu'elle est un texte pénal, de maintenir
l'interdiction de publication d'une revue qui vise précisément à contester un
crime contre l'humanité ?
Votre ministère public ne le croit pas, pour trois raisons :
– d'une part, car ce texte pénal est soumis au principe de la
non-rétroactivité des lois pénales de fond ;
– d'autre part, car vous ne pouvez pas faire à M. Guillaume de procès
d'intention puisque vous ne savez pas, a priori, s'il entendra donner à sa
contestation la publicité exigée par l'article 24 de la loi (en réalité
«23» de la loi de 1881 sur la presse — note) en vue de l'application de
l'article 24 bis (ajout de 1990 à la loi de 1881 — note) ;
– enfin, car en substituant la cause d'ordre public à celle du trouble
circonstanciel pour maintenir le séquestre, vous priveriez M. Guillaume de son
droit au double degré de juridiction.
Mais, par ces propos, M. Delafaye omettait encore des
arguments qui ôtent par ailleurs à l'arrêt du 31 octobre toute pertinence
juridique. C'est que les ouvrages séquestrés faisant partie d'une édition qui
a fait l'objet d'une diffusion depuis plus de trois mois (article 65 de la loi
du 29 juillet 1881), c'est-à-dire «depuis temps prescrit», aucun argument
tiré d'une hypothétique infraction de presse n'était, dès lors, ici
opposable. C'est, du reste, pourquoi les éditions anciennes des pamphlets de
Céline, par exemple, restent en vente libre chez les bouquinistes, au-delà de
la promulgation de la loi du 1er juillet 1972, dite «antiraciste» !
Par ailleurs, le fameux «article 24 bis» qui prétend donner une autorité
définitive et absolue aux décisions du Tribunal militaire international de
Nuremberg est d'un maniement délicat. Or, que savait la cour de la teneur de
ces décisions ? Qu'en sait M. le Substitut général ? Les 42 volumes des actes
du grand procès des vaincus par leurs vainqueurs n'avaient pas été versés à
la procédure, et encore moins débattus.
Peut-on juger en fonction des rumeurs ? Il serait interdit de discuter de la
rumeur d'Auschwitz… en vertu de ce que la rumeur dit de Nuremberg ?
Et qu'a-t-on jugé, alors que certains exemplaires du numéro litigieux, et
certains seulement — les séquestrés — restent à la garde des NMPP ? C'est
que, implicitement et de façon exorbitante, on a jugé que M. Guillaume
n'était plus propriétaire de ces volumes-là, qu'il ne peut même pas
reprendre pour en faire de la pâte à papier. Ce séquestre est sans solution
puisque infini : n'ont été décidées ni la vente, ni même la destruction des
objets impurs. Sujet d'étude pour les professeurs de droit : les numéros des Annales
ainsi figés sont-ils le bien de personne (res nullius) ou propriété
des Domaines ? J'opinerais pour la deuxième branche de cette alternative, car
dans le premier cas toute personne pourrait s'emparer du stock séquestré…
même le directeur des Annales !
*
Malgré ses réticences, Pierre Guillaume doit introduire un
pourvoi en cassation, mais…
L'arrêt ici commenté y a mis un obstacle, car les frais mis à la charge de
Pierre Guillaume devront être préalablement 43 payés. A défaut, les
associations de censeurs ne manqueront pas de demander que M. Guillaume se voie
interdire de diligenter son pourvoi. Pour ce faire, elles s'appuieront sur le
tout récent article 1009-1 du Nouveau Code de Procédure Civile [3]. Ces frais
sont de 18 000 (2 000 x 9) francs, plus les dépens des avocats ayant
représenté les parties devant le tribunal et ceux des avoués d'appel (deux à
trois dizaines de milliers de francs).
Le mur de l'argent…
Il faut ce pourvoi, pourtant, pour sauvegarder ce qui peut subsister de notre
droit, cette chose si nécessaire qu'invoquent tant ceux qui s'en rient.
Il faut mettre cet arrêt à la casse [4] ! Et vite !
Quoique se voulant, par attendu de style, fidèle aux principes de cette jurisprudence, le tribunal de grande instance de Paris vient pourtant de prendre un jugement qui en esquisse le renversement (Faurisson c/Wellers et C.D.J.C., 1re chambre du tribunal de grande instance de Paris, 14 février 1990).
Il n'y a encore guère plus d'une décennie, aucune juridiction judiciaire n'aurait accepté de se prononcer dans un domaine que l'on considérait comme relevant du seul pouvoir de police de l'Administration.
L'article 1009-1, édicté en 1989, permet d'empêcher le pourvoi d'une personne qui n'a pas exécuté les clauses de l'arrêt attaqué ; le pourvoi n'est pas suspensif (le socialisme contre les pauvres ?).
La cour de cassation n'infirme pas, par hypothèse, une décision attaquée, mais la «casse».
Revue d’Histoire Révisionniste, n° 3, novembre-décembre 1990 – janvier 1991, p. 33-43
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