COMBIEN DE JUIFS ONT-ILS ÉTÉ SUPPRIMÉS PAR LES NAZIS ?
Frank H. Hankins
(Traduit de l’anglais. Extrait du Journal of Historical Review, printemps 1983, p. 61-81)
Cette étude entre dans le cadre du révisionnisme concernant
l'histoire de la seconde guerre mondiale. Elle fut écrite en 1958 par le
professeur Frank H. Hankins sur les conseils du professeur Harry Elmer Barnes,
son ami et collègue au Smith College dans les années 1920. Incité à examiner
de plus près la thèse des «Six Millions» en raison des doutes qu'il
nourrissait depuis longtemps et plus particulièrement depuis la lettre lourde
de sens à lui adressée par James J. Martin le 13 juillet 1955, Barnes n'aurait
pu trouver de spécialiste plus qualifié pour travailler sur ce projet.
Sociologue et historien de renom (à une certaine époque président de la
Société américaine de Sociologie et rédacteur en chef de l'American
Sociological Review [Revue américaine de Sociologie] ), Hankins était
également un démographe de réputation mondiale. Membre et un temps président
(en 1945) de l'Association américaine de démographie, membre du Comité
américain de l'Union internationale de démographie, du Comité national pour
la procréation dirigée, il appartenait au comité de rédaction de la Birth
Control Review [Revue de la limitation des naissances] et à l'Association
pour la recherche sur l'hérédité de l'homme. Il était l'auteur de Adolphe
Quetelet as Statistician, The Racial Basis of Civilization [Adolphe
Quetelet le statisticien, La base raciale de la civilisation] (livre
d'inspiration libérale écrit en 1928 qui s'en prenait au sentiment de
supériorité nordique alors à la mode), An Introduction to the Study of
Society [Une introduction à l'étude de la société], sans parler de sa
contribution à bien d'autres ouvrages tels que Biology in Human Affairs
[Biologie dans les affaires humaines], Contemporary Social Theory
[Théorie sociale contemporaine] et History and Prospects of the Social
Sciences [Histoire et perspectives des sciences sociales].
Hankins apportait ainsi à l'étude des mouvements de la population juive au
milieu du XXe siècle des connaissances techniques qui faisaient cruellement
défaut dans un domaine bien connu — à l'époque et maintenant — pour la
malléabilité de ses données de base, l'extrême facilité avec laquelle elles
pouvaient être obtenues ou interprétées dans des sens entièrement
différents par diverses personnes, professionnelles ou amateurs, désireuses de
voir «confirmée» leur conclusion prévue depuis le départ. Dans l'étude des
mouvements démographiques au cours de notre siècle, il n'est pas de sujet qui
ait abouti à des conclusions plus variées, par des voies plus diverses, que
celui concernant le sort des juifs d'Europe pendant la seconde guerre mondiale.
Hankins se proposait d'examiner la situation en l'abordant objectivement
en tant que démographe, sans faire appel au postulat communément admis
selon lequel, six millions (ou plus) de juifs ayant péri, toute analyse du
problème doit correspondre aux données qui conduisent à ce postulat, et
cela au lieu de suivre la démarche inverse. Un signe des temps, que la
postérité retiendra, est que Hankins ne pouvait pas, en raison même de cette
méthode, apposer en toute sagesse son nom au bas de cette enquête, laquelle ne
circule jusqu'à ce jour que sous forme de manuscrit photocopié, et cela parmi
un nombre limité de chercheurs intéressés par la question.
Il s'agit ici d'une étude à son premier stade, s'appuyant sur la documentation
disponible alors. Depuis, les sources matérielles et les analyses publiées sur
le sujet ont augmenté dans des proportions considérables, ce qui n'a en rien
modifié les problèmes fondamentaux inhérents à ce genre de recherche et que
le professeur Hankins explique d'emblée. L'essai dans sa totalité peut, à la
vérité, n'être considéré que comme une «façon de poser un problème». Il
ne prétend certainement pas à être le «mot de la fin», d'où son
sous-titre. L'auteur entendait, en premier lieu, montrer combien, en 1958,
était conjecturale toute tentative d'aborder le problème du nombre de
juifs «manquants» à la fin de la guerre, en second lieu, préciser les
facteurs qu'il faudrait prendre en considération pour trouver la réponse à un
autre problème, à savoir combien de juifs (quel que soit le nombre des
«manquants») sont réellement morts, et, parmi ces derniers, combien
sont morts par le fait d'une extermination voulue par les nazis (et non
pour une quantité d'autres raisons). Hankins était le premier démographe à
poser sérieusement ces problèmes d'une manière qui tendait à jeter un doute
sur les bases démographiques généralement admises de la thèse des «Six
Millions (d'exterminés)».
Bien que sa correspondance privée échangée avec Barnes à l'époque montre
que Hankins était des plus sceptiques sur l'ensemble de l'histoire des «Six
Millions» (celle d'un programme délibéré d'extermination, de «chambres à
gaz» dans des «camps de la mort», etc.), il s'abstint volontairement de
donner à son essai le ton d'un débat général sur l'ensemble de la question.
Au lieu de quoi, il se borna à chercher si les chiffres donnés étaient
possibles et se limita à une critique des explications avancées jusque-là et
des méthodes employées pour arriver à des conclusions. D'où la forme
interrogative bien particulière du titre de cet essai.
Il faut noter un point soulevé par Hankins qui, en fait, est aujourd'hui
dépassé. A un moment il déclare : «Ceux qui ont accusé les nazis d'avoir
bel et bien exterminé de 4 à 7 millions de juifs ne prétendent pas que le
plan d'extermination à une grande échelle ait été formulé avant même la
conférence de Casablanca de janvier 1943, laquelle lança la formule de
reddition sans conditions pour mettre fin à la guerre […]. Mais ceux-là
même qui soutiennent ces accusations d'extermination ne prétendent pas que les
rouages nécessaires à cette opération aient été bien en place avant la fin
de l'automne 1943». Hankins faisait allusion aux sources classiques qui, en
1958, soutenaient cette thèse. Depuis lors, bien entendu, la «ligne» de
l'école de l'«Holocauste» tend à affirmer qu'un plan d'extermination a été
décidé en 1941-1942 (voy. la directive de Göring à Heydrich du 31 juillet
1941 et la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942), les premières
«actions» de ce plan prenant place en 1942. Mais, en citant cette thèse de la
première «ligne», Hankins n'ouvre qu'une parenthèse rappelant les notions
qui avaient cours alors, ce qui n'affecte en rien ses conclusions générales [1].
KEITH STIMELY
Remarques introductives
Les estimations courantes, généralement fondées sur des chiffres ou des affirmations fournis par les juifs eux-mêmes, vont de 4 à 6, ou même 7 millions. Chaque estimation n'est cependant guère plus qu'une simple hypothèse. Les grandes variations d'une estimation à l'autre montrent que toutes entretiennent une large marge d'erreur probable. Plus on étudie le sujet, plus il devient clair que l'erreur probable grandit à mesure que l'estimation elle-même grandit. Dans la plupart de ces calculs, on part tacitement mais aussi gratuitement de l'idée que toute diminution du nombre des juifs dans une région donnée après 1939 (en tenant compte dans une certaine mesure des modifications de frontières qui sont intervenues) fournit le chiffre approximatif du nombre de juifs délibérément supprimés. Or, ces diminutions comprennent bon nombre de personnes qui ont échappé par divers voies et moyens. Beaucoup ont disparu derrière le Rideau de fer ; des milliers sont mortes par suite des conditions qui ont engendré la montée anormale de la mortalité en temps de guerre des populations de toute l'Europe centrale. Il semble qu'il n'y ait aucune raison spéciale pour que les juifs aient échappé aux rigueurs générales du temps de guerre, spécialement dans les territoires occupés. En fait, ces rigueurs ont sans doute été plus fortes pour les juifs. L'évaluation correcte de ceux qui ont péri du fait des persécutions nazies ne devrait comprendre que (1) ceux qui ont été massacrés par fusillade, chambres à gaz et autres violences, et (2), ceux qui sont morts au cours des nombreuses déportations forcées ou bien dans des camps de concentration par suite d'un travail trop pénible, qui sont morts de faim ou de maladie, ce à quoi ils auraient sans doute échappé s'ils avaient vécu dans des conditions normales.
De quelques difficultés à obtenir des chiffres fiables
L'obstacle le plus évident et le plus embarrassant est la
rareté des matériaux fournis par le recensement. Dans certaines régions, le
dernier recensement d'avant la guerre date de 1930, 1931 ou 1933. Prenons ainsi
des secteurs à forte concentration juive : pour la Pologne, il y en eut
un le 9 décembre 1931 et une «estimation officielle» le 1er janvier 1939 ;
pour la Russie, un recensement en 1926 et un autre en janvier 1939, mais
dans aucun des deux il n'était question de religion ; pour la Roumanie,
un recensement en décembre 1930 et une «estimation officielle» en décembre
1938 ; et également un «recensement» en avril 1941 ; et, pour la Hongrie,
un recensement le 31 décembre 1930 et une «estimation officielle» en
décembre 1938. A quoi on peut ajouter le recensement en Pologne de février
1946 qui, à l'image de la plupart des opérations de ce genre dans l'immédiat
après-guerre, ne fut essentiellement qu'un échantillonnage et une simple
estimation. Les vastes mouvements de population qui continuèrent jusqu'à la
fin de 1946 et même plus tard rendaient la chose inévitable.
Le résultat est qu'on trouve de très grands écarts entre les différentes
estimations concernant le nombre des juifs dans plusieurs régions au cours de
l'année critique 1939. Rappelons qu'à partir de 1939 eurent lieu, à travers
toute l'Europe centrale, des déplacements de populations sans précédent,
aussi bien juives que non juives, d'abord devant les armées allemandes qui
foncèrent vers l'Est à partir de septembre 1939 et spécialement après le 22
juin 1941, ensuite derrière les forces russes dans leur marche vers l'Ouest à
partir de 1943. Quand les Allemands poussèrent à l'Est, beaucoup suivirent,
spécialement d'Allemagne ; quand les Russes se mirent en branle vers l'Ouest,
beaucoup cherchèrent à retourner dans leur ancien foyer. Dans ces hordes en
mouvement de toutes nationalités, y compris des juifs, nombreux furent ceux qui
moururent des rigueurs de la guerre ; d'autres millions de personnes appartenant
à plusieurs nationalités, y compris des juifs, furent déportées ; des
millions d'autres furent victimes des bombardements des populations civiles ou
tombèrent sous l'uniforme. Pendant toutes ces années, les registres d'état
civil furent mal tenus, incomplets et truffés d'erreurs.
Évidemment, cette situation fait que toutes les estimations, tant de
populations globales que, particulièrement, du nombre de juifs, ne peuvent
être que de simples hypothèses. La voie est largement ouverte à des calculs
tendancieux. A lire de près ce qui a été publié sur la question, on
découvre que de grandes inconnues conduisent à beaucoup de désinvolture dans
l'usage qui est fait des chiffres. Dans bien des cas, le même auteur donne des
chiffres différents pour le même poste à différentes pages, comme si une
variation de quelques milliers ne pouvait rien ajouter aux erreurs
précédentes. Chaque calcul recèle forcément ce que les spécialistes du
Bureau américain du recensement appellent un facteur «résiduel»,
c'est-à-dire un chiffre qui permet de dresser un bilan raisonnable à partir
des nombres très probables dont on est parti, par exemple, en 1939, les
changements probables dus aux naissances et aux décès «normaux», le nombre
probable de ceux qui meurent de diverses causes «anormales» et le nombre
probable de ceux qui ont survécu. Le chiffre résiduel se prête à toutes
sortes de manipulations.
C'est ainsi que le Bureau du recensement (The Population of Poland [La
Population de la Pologne], p. 29 et 31) déclare, après avoir fait remarquer
qu'il est impossible de faire le bilan exact des changements intervenus en
Pologne de 1939 à 1945 :
[Même après juillet 1945] des millions de personnes déplacées tournaient en rond […]. A travers ces courants de migration volontaire se mouvaient d'autres millions de personnes expulsées de leurs foyers à titre définitif, etc.
et (p. 31) :
Les pertes dues à la guerre ont pu aller de 2 à 7 millions de victimes. Ces deux chiffres extrêmes semblent peu probables, mais les pertes exactes ne peuvent pas être déterminées avec précision (Pour la même citation, voy. p. 187).
Tels sont quelques-uns des problèmes auxquels doivent faire face les chercheurs même les plus honnêtes et compétents s'efforçant d'obtenir des chiffres fiables sur le nombre des juifs en Europe en 1939, le nombre de ceux qui ont péri d'une manière ou d'une autre pendant la guerre, la manière dont ils ont péri, et, parmi ceux dont on a perdu la trace, combien ont réellement péri et combien peuvent vivre maintenant derrière le Rideau de fer, en Israël, aux États-Unis et ailleurs. Il est évident que toutes ces incertitudes qui sont le lot de ceux qui veulent rester impartiaux offrent en revanche des perspectives infinies à ceux qui souhaitent jongler avec les chiffres, qu'ils cherchent soit à minimiser soit à exagérer le nombre des juifs qui ont péri pendant la guerre.
De quelques voies d'évasion pour les juifs
Plusieurs études font brièvement mention des nombreux juifs
qui échappèrent aux rafles nazies par différents moyens : (a) en étant
cachés par des amis non juifs ; (b) en faisant usage de faux papiers
d'identité ; et (c) en recevant le baptême chrétien. Ceux qui entrent dans la
première catégorie ne furent probablement pas très nombreux, les nazis
punissant de mort toute la famille du «bon Samaritain». D'aucuns estiment que
ceux qui entrent dans les catégories (b) et (c) se comptent par milliers, voire
par dizaines de milliers.
En matière de recensement, l'individu est classé comme appartenant à une
certaine nationalité. Quelque peu ambigu, ce terme recouvre des réalités
aussi différentes que la race, le pays de naissance, le pays de résidence et
le pays de citoyenneté. Les juifs pouvaient ainsi se classer comme juifs ou
comme ressortissants d'une autre nationalité, en fonction de leurs
antécédents, des traits de leur personne ou de leur compétence linguistique.
Ceux qui étaient nés en Pologne mais qui parlaient allemand couramment et
vivaient en Allemagne pouvaient se classer comme juifs, comme Polonais ou comme
Allemands, ce qui, dans le dernier cas, nécessitait à l'occasion l'obtention
de nouveaux papiers d'identité. Un juif né en Allemagne, vivant en Pologne et
parlant polonais avait des choix similaires. Cette vieille méthode pour
échapper aux aspects les plus cruels de l'antisémitisme semble avoir été
largement pratiquée par les juifs sous la pression des nazis et devant une
intense hostilité en Pologne et ailleurs, spécialement après 1933.
Quelques exemples illustreront cet état de fait : Le rapport sur la
Pologne du Bureau de recensement américain, pour expliquer la présence de 900.000
Polonais supplémentaires qui n'entrent pas dans ses calculs, écrit que :
Ceux-ci sont peut-être des non-Polonais reclassés en tant que Polonais et perdus ainsi pour leur catégorie précédente (p. 78).
Il n'y a aucun moyen de savoir combien d'entre eux étaient
des juifs, mais ce sont certainement ces derniers qui avaient les meilleures
raisons d'emprunter cette voie d'évasion et on peut difficilement imaginer
qu'un autre groupe racial ou national ait voulu changer de catégorie à une
aussi grande échelle. Le même organisme, dans son étude sur la
Tchécoslovaquie, remarque (p. 26 et note du bas de la page 14) que le dernier
recensement d'avant-guerre, en 1930, donnait 354 000 juifs par la religion et
seulement 110 000 par la nationalité. Jacoby (p. 308 et 310) avance des
chiffres comparables avec toutefois une plus grande différence entre eux. Dans
ce dernier cas, le petit nombre des juifs classés par nationalités était dû
au fait qu'un grand nombre se voulaient allemands par la nationalité. Pour Jews
in the Soviet Satellites [Les juifs dans les satellites soviétiques] (p.
239-240), «des milliers de juifs de Pologne vécurent toute l'occupation en se
faisant passer pour des Polonais» ; à la fin de la guerre, on estimait que 20
000 d'entre eux possédaient encore de faux papiers d'identité.
Le nombre des juifs qualifiés de juifs par la religion est assez uniformément
plus grand que celui des juifs qualifiés par la nationalité. Cela est dû en
partie à la coutume juive qui consiste à considérer comme juifs tous les
membres de la communauté juive, sans tenir compte de leur appartenance
religieuse. Il faut également considérer le fait que le judaïsme n'est pas un
type de religion universaliste mais qu'il s'identifie étroitement aux juifs en
tant que groupe racial ou apparenté génétiquement. Cependant, les conditions
spéciales du temps de guerre ont fait de la conversion à telle ou telle
variante du christianisme une voie logique pour échapper à l'environnement
hostile. C'est ainsi que The Hungarian Statistical Review [La Revue
statistique hongroise] pour 1944 estimait à environ 100 000 les chrétiens
d'origine juive en Grande Hongrie (voy. Jews in the Soviet Satellites, p.
184-185). Kulischer remarque (p. 199) que le nombre des juifs en Autriche a
décru de 222 000 en 1923 à 180 000 en 1938 et attribue cela en partie au
changement de religion.
Ces voies de repli expliquent sans doute pour une bonne part la réduction du
nombre des juifs qui sont encore en Europe. Les statistiques officielles juives,
qui sont presque les seules dont on dispose maintenant pour les calculs
concernant l'après-guerre, font vraisemblablement état de ceux qui vivent dans
des communautés ou des ensembles structurés. Nombre d'entre ceux-ci, en tant
que groupes stables, furent désorganisés pour des raisons variées et leurs
membres plus ou moins dispersés. Si ces derniers se sont camouflés (en
classification), ils peuvent ne pas reparaître jusqu'à nouvel ordre. D'autres
statistiques sont fondées sur les seuls juifs «qui font profession de foi» et
qui, à n'importe quelle époque, ne représentent qu'une partie du nombre
total. Il semble vraisemblable que pour longtemps encore nous n'aurons pas
d'indications claires concernant le nombre des «évadés».
Ce sont là des échantillons de ce qui fut une pratique généralisée qui a
dû être largement utilisée à partir de 1933. On ne peut certes pas blâmer
les persécutés d'avoir cherché toutes les voies leur permettant d'échapper
à leur sort.
Des milliers de juifs furent tués dans les forces combattantes de différentes
nations, notamment la Pologne et la Russie. On ne sait pas exactement combien.
Dans Jews in the Soviet Satellites, il est dit que des milliers de jeunes
juifs furent incorporés dans l'armée rouge et dans des bataillons de travail
(p. 242). Plus haut, on apprend que quelque 250 000 à 300 000 juifs furent
envoyés par les Russes dans des camps de travail forcé et des colonies
pénitentiaires au nord de la Russie et en Asie soviétique au début des
années 1940 (p. 229) et que 68 000 officiers et hommes de troupe juifs
appartenaient à l'armée polonaise (p. 226). Lestschinsky, quant à lui, estime
que 200 000 soldats juifs tombèrent au cours de la guerre dans l'armée rouge
(p. 9). Il ajoute : «Environ un demi-million de juifs moururent dans les
provinces asiatiques où deux fois ce nombre avaient été déportés après
l'évacuation des territoires polonais et roumains ainsi que de l'Ukraine et de
la Russie blanche». Il faut bien remarquer que certaines estimations classent
tous les juifs manquants dans la rubrique «tués» ou «assassinés»
(notamment Frumkin), sans distinguer ceux qui sont morts dans les forces armées
ou sous des raids aériens ou encore par suite de l'accroissement des épreuves
de toutes sortes et de la mortalité plus grande en temps de guerre.
De nombreux juifs, ou bien furent évacués, en la circonstance par les Russes,
vers des régions plus sûres, ou bien émigrèrent dans des pays de refuge tels
que la Suisse, l'Angleterre, la Turquie, la Palestine, les États-Unis et
d'autres encore. Les chiffres sont incertains, mais ils furent à l'évidence
fort nombreux, à en juger d'après les maigres données dont on dispose. Pour Hitler's
Ten-Year War on the Jews [La Guerre de dix ans de Hitler contre les juifs],
«Quelque 1 800 000 ont été évacués à l'intérieur de l'Union soviétique»
(p. 300). Ce chiffre pour la période qui suit immédiatement le déclenchement
des hostilités avec la Russie tombe à seulement 1 200 000 cinq pages plus bas
dans le tableau récapitulatif, sans qu'il y ait d'explication sur le changement
intervenu. Dans Jews in the Soviet Satellites, il est question de pas
moins de 21 000 réfugiés, la plupart originaires d'Allemagne, trouvés en 1945
dans le ghetto de Shanghaï occupé par les Japonais (p. 182). On y parle aussi
des 8 000 réfugiés d'Espagne et du Portugal (p. 183), des 163 423 juifs
entrés aux États-Unis entre 1933 et 1942 (p. 183), des 27 000 réfugiés en
Suisse, la plupart venant de France et d'Italie (p. 183 et 190), des 6 000
réfugiés en Suède, venant surtout du Danemark (p. 190-191), des 150 000 juifs
roumains qui vivaient en Transnistrie, au-delà du Dniestr. Le nombre de
personnes ayant émigré en Grande-Bretagne entre 1938 et 1945 est estimé à
300.000, et un chiffre similaire pour les réfugiés en Palestine entre 1933 et
1947. Il ne faut pas oublier que même ceux qui ont émigré de 1933 à 1939
peuvent figurer à la rubrique «pertes», étant donné que la plupart des
calculs partent nécessairement des recensements datant du début des années
1930.
Dans son Europe on the Move [L'Europe en mouvement], Kulischer remarque
que les migrations d'Allemagne, d'Autriche et de Bohême-Moravie se montèrent
à 370 000 individus entre 1933 et 1939-1940 (p. 192). Sur ce nombre, 200 000
partirent outre-mer, 50 000 allèrent en Suisse, en Grande-Bretagne et en
Scandinavie, 85 000 en France et aux Pays-Bas, 10 000 dans d'autres pays
d'Europe occidentale et méridionale, seulement 25 000 s'en allant à l'Est. Ce
qui fait qu'au total environ 250 000 se trouvèrent hors d'atteinte des nazis.
Plus loin (p. 260), le même auteur ajoute que, devant l'avance allemande vers
l'Est, «les fonctionnaires [soviétiques] et une grande partie des juifs furent
évacués» (de même que les usines et les ouvriers d'usines). Il estime le
total des gens ainsi évacués à 12 000 000, parmi lesquels plus de 1 500 000
transférés ou déportés de la partie orientale de la Pologne, des Pays
Baltes, de la Bukovine du Nord et de la Bessarabie.
Étant donné que ces personnes ainsi déplacées l'ont été «pour les
soustraire aux atrocités allemandes», il n'est pas déraisonnable de penser
qu'au moins 2 millions d'entre elles étaient des juifs. Kulischer, cependant,
considère que leur nombre n'est que d'environ 1,2 million. Sur les millions de
juifs déracinés par la guerre, il n'en trouve qu' «environ 1,5 million à
avoir échappé à la botte nazie, quelque 300 000 par émigration outre-mer et
vers les pays neutres, et le reste par évacuation vers l'intérieur de l'URSS»
(p. 264). Ce chiffre est capital pour toute estimation concernant le sort des
3,1 millions de juifs censés vivre dans la Pologne d'avant-guerre et le nombre
probablement supérieur de ceux qui vivaient en Union soviétique. Comme
l'indique la citation de l'étude sur la Pologne du Bureau de recensement
donnée plus haut, «l'erreur probable» des estimations sur la population
polonaise est colossale. Un million de juifs de plus derrière le Rideau de fer
modifie le tableau pour toute l'Europe.
A ces «voies d'évasion», nous pouvons ajouter trois domaines délicats qui
sont vraisemblablement à la source d'erreurs dans les estimations.
Excès de mortalité et baisse de fécondité
La population totale de l'Europe, mis à part la
Russie, restait en 1945 presque celle de 1939, l'excédent total des naissances
sur les décès compensant presque exactement les pertes dues à la guerre,
phénomène dû, pour l'essentiel, à la croissance de la fécondité dans les
pays d'Europe occidentale. En Europe centrale, théâtre principal des ravages
de la guerre, la situation était diamétralement opposée. Là, l'«excès de
mortalité» était supérieur à ce qu'il aurait été en temps de paix. Il n'y
avait pas eu moyen pour les juifs qui se trouvaient là d'échapper aux dangers
courants de la guerre, tels la mort sous les bombardements et autres attaques
militaires contre les agglomérations et les villes. Pas plus qu'ils n'avaient
pu échapper à la perte de vitalité entraînant une moindre résistance aux
maladies habituelles due aux privations grandissantes dont souffrirent tous les
autres éléments dans les populations civiles. La mortalité infantile augmenta
chez eux de pair avec celle de leurs concitoyens.
Or, si curieux que cela puisse paraître, cet «excès de mortalité» est
d'ordinaire estimé séparément selon qu'il s'agit de juifs ou de non juifs. En
ce qui concerne les juifs, ce poste est, tout à fait indûment, ajouté au
nombre des «tués» ou «assassinés». C'est ainsi que, dans son tableau
récapitulatif (p. 173) pour «Toute l'Europe» sauf l'Union soviétique dans
ses frontières de 1939 (c'est-à-dire y compris les Polonais et les juifs de la
partie orientale de la Pologne annexée par la Russie, mais non compris la
Bukovine du Nord, la Bessarabie et une partie de l'Ukraine subcarpatique),
Frumkin donne les chiffres suivants :
Pertes dues à la guerre | 15 117 000 | |
a) militaires | 5 824 000 | |
b) civils sauf les juifs | 4 922 000 | |
c) juifs tués | 4 371 000 |
Il est évident qu'au nombre des juifs «tués» figurent
tous ceux qui ont souffert de la mortalité accrue, épreuve qu'ils ont
partagée à une plus grande échelle avec les autres civils. Comme ce chiffre
donne la diminution totale de la population juive dans cette région, il
comprend aussi nécessairement les juifs qui devraient figurer sous toutes les
rubriques précédentes aussi bien que sous celle qui les suit. La population
juive, concentrée si largement au cœur de la zone de guerre orientale, aurait
souffert d'une diminution proportionnée à son nombre même si elle avait été
traitée exactement comme les autres. «L'excès de mortalité» ne peut être
mis au compte des «assassinats» nazis. Ainsi, Frumkin, de manière
parfaitement malhonnête, classe tous les juifs disparus pendant la guerre sous
la rubrique «tués», laissant entendre par là qu'ils ont été
délibérément exterminés par les nazis, ce qui est absurde. Ceux qui ont
perdu la vie d'une autre manière ont sans doute été plus nombreux que ceux
qui sont morts dans tous les camps nazis. Et dans les camps, plus nombreux sont
sans doute ceux qui sont morts de froid, de maladie, de manque de soins
médicaux et de faim que ceux qui ont été victimes d'une extermination
délibérée [2].
L'importance de ce point apparaît à l'examen des chiffres sur la Pologne
avancés par Frumkin. Il part d'une population totale, comprenant seulement les
Polonais et les juifs dans les Territoires occupés, de 28 400 000 âmes dont 3
500 000 sont des juifs. Il estime à 2 500 000 les civils autres que juifs dont
la mort ressortit à «l'excès de mortalité» et à 3 400 000 les juifs
«tués». Si l'on soustrait le nombre originel des juifs du total originel, on
obtient 24 900 000 dont 2 500 000 morts par suite des circonstances
exceptionnelles du temps de guerre. Ce qui fait 10 % de la population
originelle. La même proportion pour les juifs eût été de 350 000.Ces
derniers sont morts, assurément, mais ils n'ont pas été «tués» au sens où
l'entend Frumkin.
Dans le même ordre d'idées, il faut parler de la baisse de fécondité de la
population juive par suite des migrations forcées, de la sous-alimentation et
d'autres épreuves et privations. Ce point est certes d'une importance
secondaire, mais on ne peut compter comme «tués» ceux qui ne sont jamais
nés. Cette fécondité réduite a naturellement diminué le nombre de ceux qui
ont survécu à six ans d'épreuves, mais dans certains calculs toutes
les réductions sont devenues des «tués». Un grand nombre qui auraient pu y
être n'y étaient pas à la fin de la tourmente ; ils étaient «manquants» et
«disparus». Mais tous n'avaient pas été «tués» par les nazis ou par qui
que ce fût d'autre.
Nombreux et importants mouvements de population au cours de la guerre
Dans toutes les estimations, les multiples modifications de
population et de territoires constituent une autre grande difficulté. Le
partage de la Pologne en 1939 en est l'illustration par excellence. Ici, la
question essentielle n'est pas le nombre des juifs dans la partie orientale de
la Pologne que la Russie s'est appropriée en 1939, quoique, même sur ce point,
il ne faille pas négliger les différences, mais bien ce qui est arrivé aux
juifs dans les Territoires annexés. D'aucuns considèrent qu'ils furent tous
pris dans le filet nazi par la ruée vers l'Est des forces allemandes après le
22 juin 1941. D'autres estiment que de 1,2 à 1,8 million de juifs de Pologne et
autres pays d'Europe centrale émigrèrent, furent évacués par les Russes ou
déportés de force par eux vers des zones situées derrière le front russe. En
outre, le nombre des juifs allemands, polonais et tchèques qui avaient fui vers
l'Est devant la première avance des Allemands en septembre 1939 est inconnu, ce
qui n'empêche pas de faire des suppositions.
Autre cas tout aussi flagrant, celui fourni par la Roumanie [3]. Des pans
entiers de ce pays, que l'on estime avoir compté 900 000 juifs en 1939, firent
la navette entre la Russie et la Roumanie ; d'autres lambeaux allèrent à la
Hongrie, pour faire retour ensuite à la Roumanie ; d'autres encore allèrent à
la Bulgarie et revinrent à la Roumanie ; les Allemands contrôlèrent
différentes parties pendant différentes périodes. Chaque changement du
pouvoir politique s'accompagnait de mouvements de populations, au nombre
desquelles figuraient des juifs. Dans le même temps, par un réflexe
d'autodéfense, les juifs émigraient dans plusieurs directions et tentaient
d'échapper à leur judaïté par tous les moyens. Dans ces conditions, il n'est
guère étonnant que les chiffres concernant la Roumanie, quels qu'ils puissent
être, soient sujets à caution.
Le recensement roumain de 1930, le dernier avant les hostilités, relevait 756
930 juifs. C'est le chiffre retenu par Sylvain (Jews in the Soviet Satellites,
tableau I, p. 493) pour l'avant-guerre, au lieu des 900 000 que l'on trouve dans
la plupart des autres références pour 1939 (dans ce tableau, soit dit en
passant, nous lisons pour la Bukovine le chiffre de 93 101, lequel devient 102
900 trois pages plus loin). Il faut maintenant suivre à la trace les multiples
déplacements de frontières et de populations intervenus dans cette région. La
Bessarabie, d'abord province roumaine, devint russe en 1940, revint à la
Roumanie de 1941 à 1944, et retourna à la Russie en 1944. La Bukovine subit à
peu près le même sort. Quant à la Dobroudja, elle fut divisée, la partie
méridionale allant à la Bulgarie en 1940 et rentrant dans le giron roumain
après la guerre. Pour l'ensemble de la Bessarabie, de toute la Bukovine et de
toute la Dobroudja, Sylvain parle d'une population juive de 381 562 personnes
pour l'avant-guerre dans son tableau I, mais, plus loin (p. 516-517), ce chiffre
devient 457 000 — la Bukovine n'était cette fois pas comprise — sur
lesquels il y aurait eu seulement 100 000 survivants.
D'autres grands points d'interrogation jalonnent son texte. Dans le tableau VII,
s'agissant de la population juive en Roumanie dans ses frontières actuelles (non
compris la Dobroudja méridionale, la Bukovine du Nord et la Bessarabie), il
a compté 478 042 personnes en 1930, 466 128 en 1941 — une année de
recensement — et 300 000 en 1944. En 1947, leur nombre dans cette «Roumanie
croupion» est monté à 428 000. Il admet alors que 28 000 est le nombre
probable de ceux qui sont rentrés des camps allemands et hongrois, de Bukovine
du Nord, de Bessarabie et de Transnistrie [nom donné de 1941 à 1944 à la
partie ukrainienne de la Moldavie annexée par les Roumains]. Survient alors
cette affirmation remarquable : «Ainsi, quelque 100 000 personnes parmi cette
population […] représentent en fait ceux qui restaient des 457 000 juifs
de Bessarabie, de Bukovine et de Transylvanie» (l'italique est dans
l'original). Étant donné que les territoires mentionnés ont été exclus du
tableau VII, je n'arrive pas à comprendre comment il lui est possible d'en
tirer le nombre des juifs manquants. C'est sans doute que je ne saisis pas sa
manière de manipuler les données.
En tout cas, il est intéressant de noter que les chiffres donnés dans le
tableau VII pour le territoire d'aujourd'hui sont à peu près les mêmes en
1930, 1941, 1942 et 1947. La différence entre la première et la dernière date
est de quelque 50 000. Ce chiffre ne tient pas compte de l'accroissement
naturel, mais par ailleurs il ne tient pas davantage compte de l'excès de
mortalité parmi les civils, des milliers de gens que l'on dit avoir fui en
Turquie, des 150 000 dont il est question plus haut qui auraient trouvé refuge
derrière le Dniestr. Quant aux 381 562 juifs du recensement d'avant-guerre
figurant dans le tableau I (et non les 457 000 obtenus par un procédé
mystérieux), ils furent sous la coupe germano-roumaine de 1941 à 1944 avant de
passer une fois de plus derrière le Rideau de fer. Ce qu'il est advenu d'eux
est une énigme, tout autant que ce qui est arrivé ailleurs sur la frange de la
zone des combats.
Les exemples qui précèdent sont destinés à montrer combien le manque de matériaux de recensement fiables oblige le chercheur à risquer des chiffres çà et là, à tel ou tel moment. S'il est enclin à surestimer les manquants dans ses hypothèses renouvelées, il peut finir par aboutir à des conclusions exagérées.
Je m'aperçois ici que j'ai omis de mentionner quelques autres sources d'erreurs possibles.
Premièrement, les chercheurs ne s'accordent pas sur le nombre des déportés qui sont morts au cours de leur déportation, les écarts allant de jamais moins de 25 % à généralement 50 % et, dans certains cas, jusqu'à 80 % ou même davantage. Étant donné qu'il n'y avait pas de comptes exacts en pareil cas, il faut considérer ces estimations comme entachées d'une grande probabilité d'erreur.
Deuxièmement, le grand bouleversement, avec ses migrations, déportations et évacuations, a rendu très facile une sorte de double emploi dans le décompte des «disparus» ou des «tués». Ceux qui ont été évacués derrière le Rideau de fer, par exemple, sont, au moins dans une large mesure, considérés comme appartenant à la dernière catégorie, à moins qu'ils ne soient retournés d'où ils venaient. Ceux qui ont été envoyés par les Allemands dans les camps de Pologne ont pu facilement être comptés au nombre des «disparus» des pays d'où ils ont été déportés et comptabilisés de nouveau comme tués en Pologne. Qu'il en soit ainsi dans certains cas semble indiqué par le fait que, alors que les juifs de Pologne sont à l'origine en 1939 estimés à 3,1 millions, on donne généralement pour ceux qui ont été tués là-bas un chiffre un peu plus élevé.
Exemples d'estimations variables
COMBIEN Y AVAIT-IL DE JUIFS EN EUROPE EN 1939 ?
Comme il s'agit là du chiffre de base d'où part toute estimation globale, les variations sont d'une importance primordiale. Voici les chiffres du Comité juif américain [American Jewish Committee] donnés par le World Almanac [L'Almanach du monde] :
Année de publication |
Année de statistique |
Nombres | Nombres donnés sous la rubrique "religions du monde" |
1939 1941 1945 1949 1949 |
1933 1939 1939 ? 1939 1947 |
9 494 363 8 939 608 9 372 666 9 739 200 3 920 100 |
9 494 363 non fourni 8 939 608 non fourni non fourni |
On ne peut que s'étonner de la réduction de presque 555 000 âmes entre 1933 et 1939. Encore plus frappant est l'accroissement pour l'année 1939 si l'on compare les numéros du World Almanac de 1941 et de 1949. La différence se monte à presque 800 000 (8 939 608 en 1941 et 9 739 200 en 1949). Il est facile de voir que cela rend la perte beaucoup plus grande que si les chiffres donnés en 1941 pour l'année 1939 étaient utilisés comme base du calcul. Nous remarquons semblable gonflement de la base dans les estimations du même organisme données cette fois dans Jews in the World [Les juifs dans le monde] :
Année de publication | Année de statistique | Nombres |
1939 1941 1945 1949 |
1933 1939 1939 1939 |
15 319 459 15 748 091 15 688 259 16 643 120 |
Nous avons là, pour l'année 1939, un accroissement de presque 955 000 dans l'édition de 1949. Comment expliquer ce bond énorme du total mondial ? Avait-on découvert davantage de juifs ? Avait-on fait un calcul plus soigneux ? Ou bien a-t-on considéré à l'époque qu'une base plus large à partir de laquelle calculer les pertes de la guerre serait bien utile ?
2. COMBIEN DE JUIFS ONT ÉTÉ EXTERMINÉS EN EUROPE PENDANT LA GUERRE ?
Telle est la question essentielle, et il est pour le moment impossible d'y répondre formellement. Il est cependant judicieux de jeter un coup d'œil sur les variations dans les estimations données par divers enquêteurs.
A. Quelques chiffres pour la Pologne
Bureau du Recensement (p. 2) : «Les pertes dues à la guerre dans les frontières d'après-guerre se montent approximativement à 4 millions de personnes, dont 2 millions étaient des juifs exécutés par les nazis» (voy. ci-dessus p. 181 la citation des p. 31 et 187).
Frumkin (p. 119) : pour à peu de chose près le même territoire : 2,3 millions.
Gottschalk & Duker (p. 11) : la Pologne, les Pays Baltes, la Russie blanche soviétique et l'Ukraine, «les plus grandes régions de concentration juive en Europe devinrent une immense chambre de mort pour environ 5 millions de juifs».
Frumkin (p. 119) : pour le Territoire polonais annexé (à la Russie), qui comptait avant-guerre une population juive de 1,2 million de personnes, le nombre des «tués» est estimé à 1,1 million. Pour toute la Pologne d'avant-guerre, il calcule ainsi une perte de 3,4 millions.
Frumkin (p. 182) — après avoir estimé les juifs tués
hors des régions russes à 4 371 000 (p. 173) — observe que, si l'on
ajoute le Territoire annexé, «le nombre total des juifs assassinés par
les Allemands se monte à quelque 5 millions» (remarquons que cela ne
donnerait qu'environ700.000 pour le Territoire annexé, alors que le chiffre
cité dans le paragraphe précédent est de 1,1 million).
B. L'Europe entière
Frumkin (p. 182) poursuit : «Si le territoire soviétique occupé par les Allemands pendant la guerre était pareillement pris en compte, le chiffre pourrait facilement être de 6 à 7 millions» (ce qui, bien sûr, exclut le territoire soviétique situé derrière les lignes russes). Pour donner une idée de la fiabilité des méthodes et des chiffres de Frumkin, mentionnons que le compétent et objectif statisticien belge, Maurice-Pierre Herremans, a estimé que, sur la population juive de la Belgique d'avant-guerre, seulement 25 000 personnes étaient «manquantes», toutes raisons confondues, à la fin des hostilités, alors que Frumkin affirme que 27 000 d'entre elles ont été «tuées», la plupart par les nazis.
Kulischer (p. 279) donne 5,5 millions de juifs «exterminés».[4].
L'Institut des Affaires juives (World Almanac, 1952, p. 240) estime que 71 % des juifs qui vivaient en Europe au déclenchement des hostilités ont péri, parmi lesquels 5,7 millions ont été tués et 200 000 sont morts dans les combats (cela mettrait la population juive de l'Europe en 1939 à 8.450.000 personnes).
Il existe beaucoup d'autres estimations faites par des juifs ou bien fondées sur des chiffres juifs, mais la plupart sont, soit des reprises des affirmations de l'Institut des Affaires juives ou du Congrès juif mondial, soit, comme les 6 millions de Fay dans Current History [Histoire d'aujourd'hui], des chiffres ronds utilisés de manière peu rigoureuse sans examiner de près les données et qui ne font que refléter l'état d'esprit du moment. Les citer n'ajoute rien au tableau.
Conclusions générales
A lire les pages qui précèdent, il apparaît clairement
qu'il est impossible, pour le moment, de répondre à la question posée par
notre titre, du moins en termes qui répondent à des critères scientifiques.
Il y a tant de lacunes parmi si peu de chiffres relativement solides que celui
qui calcule peut poser son propre chiffre à l'avance et y arriver au moyen
d'estimations et de suppositions qui, toutes, peuvent être dotées d'une
certaine vraisemblance. Dans ces conditions, même les études les plus
sérieuses ne sont guère plus que des habits d'Arlequin faits d'un tissu de
mensonges à peine renforcé par des bribes de vérités.
C'est Frumkin, ancien statisticien des Nations unies, qui a fait l'effort le
plus ambitieux pour évaluer le nombre de juifs manquants («tués», dans ses
conclusions). Partant d'un recensement de 1930-1933, il évalue le nombre
atteint en 1939 grâce à un surplus de naissances par rapport aux décès et
obtient ainsi un chiffre de base pour l'année qui précéda la guerre.
Évaluant ensuite les changements dus aux naissances et décès «normaux»
jusqu'en 1945, les changements résultant des déplacements de frontières, les
pertes dues à la guerre et les gains et pertes pour certaines régions dus aux
mouvements de populations, il obtient une population «ajustée» pour chaque
région prise séparément en 1945. Il concède fréquemment que ses chiffres
sont «élevés» ou qu'ils «représentent une limite supérieure», mais il a
au moins l'honnêteté scientifique d'avouer que la plupart d'entre eux sont
«légèrement» ou même «considérablement ajustés». Il s'expose ainsi au
reproche d'entasser Ossa sur Pelion en ajoutant l'une à l'autre des estimations
gonflées.
Ses conclusions sont sévèrement critiquées par le Bureau du recensement dans
son étude sur les chiffres concernant la Pologne, essentiellement du fait que,
premièrement, elles ne tiennent pas compte, dans le cas des juifs, de l'excès
de mortalité de toutes les populations civiles dans les zones de guerre et que,
deuxièmement, elles ne font pas entrer en ligne de compte le nombre hautement
problématique de juifs qui ont quitté la Pologne ou d'autres endroits en
Europe centrale et occidentale, et qui sont toujours derrière le Rideau de fer.
Pour montrer comment on peut manipuler les chiffres en prenant seulement ceux
que l'on peut considérer comme parfaitement authentiques ou qui ont une chance
raisonnable de l'être, examinons le tableau suivant [5] :
1) | Juifs en Europe, y compris l'URSS et la Turquie | 1939 | 8 940 000 | |
2) | Juifs dans le reste de l'Asie | 771 000 | ||
Total en Europe et en Asie | 1939 | 9 711 000 | ||
3) | Juifs en Europe, y compris l'URSS et la Turquie | 1946 | 3 920 000 | |
5 791 000 | ||||
4) | Juifs dans le reste de l'Asie | 1946 | 917 000 | |
4 874 000 | ||||
5) | Migrants hors d'Europe et d'Asie | 300 000 | ||
4 574 000 | ||||
6) | Nombre des tués dans les forces militaires, Pologne et URSS | 274 000 | ||
4 300 000 | ||||
7) | Sous-estimation probable des territoires soviétiques | 1 000 000 | ||
3 300 000 | ||||
8) | Sous-estimation possible pour le reste de l'Asie | 300 000 | ||
Perte totale en Europe et en Asie | 3 000 000 | |||
9) | Excès de mortalité du temps de guerre à l'égal des non juifs | 300 000 | ||
10) | Tués dans les persécutions du temps de guerre | 2 700 000 |
Les quatre premiers chiffres du tableau sont tirés des
estimations du Comité juif américain. La sous-estimation probable pour l'URSS
et la Turquie provient de l'étude sur la Pologne du Bureau du recensement (p.
189), selon laquelle il est possible qu'il y ait eu là 2 millions de réfugiés
polonais de plus que Frumkin ne le dit. Étant donné que les Polonais de souche
étaient sans doute beaucoup plus enclins à rentrer dans leur propre pays que
les juifs, polonais seulement par le lieu de résidence — l'antisémitisme
étant très fort en Pologne après la guerre — il est tout à fait
vraisemblable que ce sont les juifs qui constituent le gros de la
sous-estimation.
Il existe une autre possibilité : Kulischer, comme nous l'avons signalé (Europe
on the Move, p. 279), estime le total des juifs exterminés à 5,5 millions,
dont «près de 3 millions» vivaient en Europe en dehors des frontières
de l'URSS actuelle. Le chiffre de 2,5 millions qui correspond donc à l'Union
soviétique est ainsi hautement hypothétique. Schwarz, dont l'étude sur l'URSS
est la seule qui soit fouillée, donne pour les juifs de cette région les
«pertes» suivantes :
Région | Avant-guerre | Pertes | |
Russie Blanche | 375 000 | 300 000 | |
Ukraine | 1 533 000 | 900 000 | [6] |
Russie | 250 000 à 275 000 | 100 000 | |
Pertes totales | 1 300 000 |
Étant donné que ces «pertes» comprennent les morts dues
à quelque cause que ce soit et que la région concernée a été le théâtre
par excellence de mouvements de populations et de dures épreuves pour les
civils, il est raisonnable de compter 300 000 victimes comme «excès de
mortalité» ayant frappé indifféremment tous les habitants de la région. Ce
qui laisserait une perte nette due à la persécution nazie de 1 million de
personnes.
Si nous ajoutons cela aux «près de 3 millions» de Kulischer, nous obtenons un
total pour toute l'Europe et toute l'Union soviétique de près de 4 millions,
soit 1,5 million de moins que le total de Kulischer [7].
L'auteur de ces lignes ne peut prétendre à autre chose que d'avoir effleuré
la question. Le statisticien se trouve en effet devant un problème difficile en
raison des nombreux pièges qui jalonnent la route. Notre objectif n'était pas
de chercher une estimation plus définitive que celle des autres qui ont pu y
consacrer de nombreux mois et consulter des milliers de documents originaux. Au
lieu de cela, nous avons voulu mettre en évidence la nature visiblement
hypothétique des estimations qui ont cours et signaler quelques-unes des
sources probables d'erreurs venant principalement : du manque de statistiques
démographiques adaptées et à jour, de la fabrication de statistiques là où
elles font défaut, de la manipulation et des tours de passe-passe sur lesdites
statistiques (qu'elles soient dignes de confiance ou fabriquées) telles
qu'elles sont utilisées afin d'exagérer le nombre des juifs en Europe et dans
le monde en 1939 et de diminuer leur nombre connu en 1945, et de l'absence
générale de chercheurs et d'études qui ne prêcheraient pas pour leur saint
pour des raisons politiques, raciales ou religieuses et essaieraient
véritablement de rechercher les faits pour découvrir la vérité et servir la
connaissance scientifique.
Beaucoup d'angles intéressants ont été négligés. Par exemple Reitlinger
parle à plusieurs reprises des conflits entre Himmler, qui avait pour mission
de trouver une «solution finale» au problème juif, et Göring, qui avait
besoin de travailleurs juifs pour ses usines de munitions. Hitler étant
intervenu une fois dans le différend, Himmler se vanta du grand nombre de gens
épargnés dans cette intention. Il existe de nombreux cas vérifiés où des
juifs furent amenés à penser qu'ils étaient dirigés vers des camps
d'extermination alors qu'en fait on les destinait à des usines ou à des camps
de travail.
Un autre aspect qu'il faut considérer est la forte augmentation du nombre des
juifs en Israël. De 1933 au 14 mai 1948, date de la proclamation de l'État
indépendant, 400 000 personnes s'y installèrent. De là à février 1954, la
population passa de 650 000 à 1 675 000. Ce fait et quelques autres donnent à
penser que, pendant les années de l'immédiat après-guerre, 1 million sinon
plus de juifs ont pu se trouver parmi les personnes déplacées dispersées sur
toute la carte de l'Eurasie. A mesure que le temps passe, les statistiques en
enregistrent toujours davantage. Tout au moins, ce très fort accroissement en
Israël ne s'est pas accompagné de diminution concomitante dans les populations
fixées ailleurs. Les juifs peuvent tenir un compte précis des personnes là
où existent des communautés bien établies, mais ils n'ont pas pu en faire
autant au cours de la récente Diaspora qui a suivi 1939 et 1945.
Autre point à considérer : même si l'on pouvait prouver qu'un grand nombre de
juifs sont morts dans les camps de concentration nazis, dans les centres
d'euthanasie et dans les camps de la mort, il ne s'ensuivrait pas que tous, ou
même la majorité d'entre eux, aient été délibérément exterminés par les
nazis. Dans tous ces lieux de détention, le taux de mortalité était énorme
pour cause de maladies. Dans l'un des camps au moins il y eut une grande
épidémie de typhus. Le manque de médicaments et de soins médicaux conjugués
avec une faible vitalité générale et une moindre résistance à la maladie
faisaient grimper anormalement la courbe des décès. Beaucoup moururent de
froid, et d'autres en raison de travaux trop pénibles. La faim était le lot
commun, spécialement vers la fin de la guerre, quand le ravitaillement devint
insuffisant même pour les soldats et les civils. Il est utile de le rappeler,
on estime généralement qu'au moins 5 millions d'expulsés de Prusse orientale,
de Pologne, de Tchécoslovaquie et d'Allemagne orientale ont péri
principalement après la fin des hostilités, et l'on convient en général que
relativement peu d'entre eux ont été assassinés de manière délibérée.
Pour la grande majorité, ils sont morts de froid et de faim pendant le
processus d'expulsion. Les juifs qui avançaient et reculaient pendant la
guerre, soit qu'ils l'aient fait volontairement, soit qu'ils aient été
évacués de force, en précédant et en suivant le mouvement des armées,
furent soumis exactement aux mêmes dures conditions que les expulsés, parfois
même à des conditions pires.
La raison la plus solide pour douter du chiffre de 6 millions, ou même de 4
millions, de juifs exterminés par Hitler est fournie par la logistique plutôt
que par la statistique. On l'a vu, cette dernière est inadéquate, fabriquée,
dénaturée et manipulée de manière consciente pour étayer une thèse et
imposer un chiffre prévus d'avance. La logistique, elle, est une science solide
qui ne connaît pas de préjugés, qu'ils soient d'ordre politique, racial ou
religieux, et, dans le cas présent, qui s'appuie sur une masse de matériaux
accumulés pendant la seconde guerre mondiale. Les preuves dans ce domaine sont
aussi nombreuses et précises pour les années 1939-1945 qu'elles sont
clairsemées et sujettes à caution en ce qui concerne les mouvements de
populations pendant cette même période.
Les spécialistes de la logistique qui ont accordé quelque attention à
l'accusation selon laquelle les nazis, si mal intentionnés qu'ils aient pu
être et si désireux qu'ils aient pu être de passer à l'acte, ont
effectivement exterminé de 4 à 7 millions de juifs en moins de deux ans
pendant une guerre désespérée sur deux fronts qui tournait mal pour Hitler au
moment même où il est censé avoir mis au point son programme d'extermination,
sont d'avis qu'il était absolument impossible aux nazis de réaliser pareille
performance. L'opération aurait exigé un tel effort supplémentaire et une
telle main-d'œuvre, elle aurait ajouté une confusion et une tension telles aux
moyens de transport déjà surmenés, que les nazis n'auraient même pas pu
mener la guerre sur un seul front, même réduit.
Ceux qui ont accusé les nazis d'avoir bel et bien exterminé de 4 à 7 millions
de juifs ne prétendent pas que le plan d'extermination à une grande échelle
ait été formulé avant même la conférence de Casablanca de janvier 1943,
laquelle lança la formule de reddition sans conditions pour mettre fin à la
guerre. Hitler eut conscience de la menace implicite à son endroit, il la mit
au compte des juifs et décida peut-être alors de les traiter plus durement.
Mais ceux-là même qui soutiennent ces accusations d'extermination ne
prétendent pas que les rouages nécessaires à cette opération aient été
bien en place avant la fin de l'automne 1943.
En 1944, les bombardements alliés à l'Ouest et les victoires russes à l'Est
rendirent la situation de l'Allemagne encore beaucoup plus désespérée et
tendirent à l'extrême sa production de matériel de guerre, la marche des
usines et les problèmes de main-d'œuvre et de transport. Hitler n'aurait pas
pu distraire suffisamment de moyens pour exterminer les juifs entre novembre
1941 et mai 1945, pour en tuer 6 millions, sans provoquer un véritable
effondrement de tout son effort de guerre. Certains logisticiens sont d'avis que
3 millions de victimes ou même beaucoup moins auraient suffi à engendrer cet
effondrement. Qui plus est, à mesure que le vent tournait, les juifs devenaient
de plus en plus indispensables à l'effort de guerre allemand et Hitler
lui-même, dans sa folie, n'aurait pas pu gaspiller leurs services, dont il
avait tant besoin, au nom d'une extermination fondée sur la haine.
Au nombre des considérations dont il faut tenir compte figure la rareté de
preuves authentiques quant à la nature et à l'ampleur des moyens mis en œuvre
par les nazis pour l'extermination. Nombre de sources sont des inventions
flagrantes. Le témoignage de beaucoup d'Allemands à Nuremberg et dans d'autres
procès a été obtenu après de cruelles et d'atroces tortures. Certains de ces
«témoins», sachant que de toute façon ils allaient être pendus, se
vantèrent de ce qu'ils n'avaient peut-être jamais fait du tout mais qu'ils
souhaitaient sur le moment avoir fait, ou encore ils se vantèrent pour donner
plus d'importance à leur personne. Le total de ces rodomontades dépasse de
beaucoup le nombre des juifs du monde entier en 1939. Un «témoin» allemand de
ce genre alla même jusqu'à revendiquer fièrement pour les nazis le chiffre de
40 millions de juifs massacrés ! Les accusations concernant de grandes
opérations d'extermination vinrent très tard, la plupart après la fin des
hostilités. C'est en janvier 1945, dans New Jewish Frontier [Nouvelle
frontière juive], que le chiffre de 6 millions de victimes juives apparut pour
la première fois.
L'exposé juif le plus qualifié sur le traitement réservé aux juifs par
Hitler ne fait même pas mention de programme d'extermination massive. Un autre
historien juif de renom prétend même qu'Hitler avait interdit de propos
délibéré toute extermination de grande envergure dans la dernière partie du
conflit, alors qu'il apparaissait qu'il perdrait vraisemblablement la guerre, de
peur d'attirer sur le peuple allemand des mesures de rétorsion impitoyables. Le
thème des 6 millions fut repris par le président Truman au début de son
premier mandat, en ne se fondant que sur des ouï-dire, et il a été répété
si souvent durant la dernière décennie qu'il est utilisé presque
automatiquement par des journalistes qui n'ont jamais fait la moindre enquête
sur le sujet. C'est maintenant devenu un lieu commun dans la tradition du
journalisme.
Il est tout à fait possible que des études plus poussées sur les statistiques
de populations, de nouvelles preuves apportées par des témoins véritables,
une critique historique des origines et de la propagation des accusations
d'extermination, la confrontation des accusations avec ce que l'on sait
effectivement, et la démonstration d'une imposture et d'un trucage
prémédités, en d'autres termes des techniques que Lord Ponsonby et J.M. Read
ont appliquées aux mythes sur les atrocités de la première guerre mondiale,
puissent aligner les allégations concernant l'extermination massive des juifs
par les nazis au même niveau d'imagination morbide et de mensonge
irresponsable, sinon délibéré, que les prétendues atrocités commises par
les Allemands en Belgique qui furent réduites à néant dans les années qui
suivirent 1918. Il est certain que l'authenticité du programme nazi
d'extermination n'a jamais été garantie par une personne ayant le prestige et
la réputation d'intégrité dont jouissait James Bryce en 1915 [8]. Bien sûr,
aucun chercheur réaliste et informé qui étudie la seconde guerre mondiale ne
peut mettre en doute la réalité des atrocités d'une cruauté incroyable
perpétrées pendant le conflit dans les deux camps et dont furent victimes des
juifs aussi bien que des non juifs, en particulier dans la guerre de partisans
en arrière des lignes. Comme l'a dit justement une autorité compétente, les
atrocités imaginaires de la première guerre mondiale sont devenues les
atrocités bien réelles de la seconde.
Liste partielle des références utilisées
Gregory Frumkin, Population Changes in Europe Since 1939,
Londres, 1951, 191 p.
Gerald Reitlinger, The SS : Alibi of a Nation, Londres, 1956, 502 p.
Eugene Kulischer, Europe on the Move : War and Population Changes, 1917-1947,
New York, 1947, 377 p.
Displaced Persons Analytical Bibliography, rapport d'une commission
spéciale de la magistrature, chambre des Représentants, Washington D.C.,
imprimerie nationale, 1950, 82 p. (article spécial sur les juifs).
Commission d'enquête anglo-américaine, Report to the U.S. Government and
His Majesty's Government, département d'État, Washington D.C., 1946 (2
volumes : Europe et Proche-Orient).
Max Gottschalk & Abraham Duker, Jews in the Post-War World, Dryden
Press, New York, 1945.
Maurice-Pierre Herremans, Personnes déplacées (rapatriés, disparus,
réfugiés), Bruxelles, 1948.
Eugene Kulischer, Jewish Migrations : Past Experiences and Post-War Prospects,
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Meyer, Weinryb, Duschunsky & Sylvain, The Jews in the Soviet Satellites,
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1944.
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Current History, deux articles de Sydney B. Fay sur les expulsés de
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Solomon M. Schwarz, The Jews in the Soviet Union, Syracuse University
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Jacob Lestschinsky, «Soviet Jews and Soviet Jewry», New Leader, 8 mars
1947, p. 9.
Cet article date du printemps 1983. Cette même année, l'Institute for Historical Review (P.O. Box 1306, Torrance, California 90505, USA) allait publier l'ouvrage de Walter N. Sanning, The Dissolution of Eastern European Jewry [La Dissolution de la communauté juive d'Europe orientale] avec une préface d'Arthur Robert Butz (239 p.) ; cet ouvrage, qui est le fruit d'années de recherches intensives sur la question de la démographie de la population juive en Europe pendant la seconde guerre mondiale, allait également être publié dans une traduction allemande, Die Auflösung des osteuropäischen Judentums (Tübingen, Grabert Verlag, XV-319 p.). L'importance de l'ouvrage est telle qu'il devrait aussi paraître en traduction française. La R.H.R. envisage d'en publier une recension. NDLR.
En 1988, soit trente ans après cette étude, Arno Mayer, universitaire d'origine juive et professeur à Princeton, devait écrire : «[…] from 1942 to 1945, certainly at Auschwitz, but probably overall, more Jews were killed by so-called "natural" causes than by "unnatural" ones» (de 1942 à 1945, certainement à Auschwitz, mais probablement en général, les causes dites "naturelles" tuèrent plus de juifs que les causes "non naturelles"). L'auteur appelle causes «naturelles» «la sous-alimentation, les épidémies, la maladie et l'excès de travail» (Why Did the Heavens not Darken ? The «Final Solution» in History, New York, Pantheon, 1986, p. 365, 406). La traduction française de l'ouvrage dénature gravement le texte anglais ; elle porte «à Auschwitz en tout cas» et supprime «mais probablement en général» (La «Solution finale» dans l'histoire, préface de Pierre Vidal-Naquet, éd. la Découverte, 1990, p. 410). NDLR.
Après avoir bouclé le manuscrit, j'ai découvert dans mes notes que Frumkin donne (p. 170) 160 000 «juifs tués» pour la Roumanie dans ses frontières d'après-guerre. Pour lui, je l'ai déjà noté, les «tués» comprennent tous les disparus ou manquants selon ses estimations. Il reconnaît que ce chiffre est «considérablement ajusté» (voy. sa note du bas de la page 12), c'est-à-dire qu'il «représente une estimation brute assortie d'une marge d'erreur importante». Plus loin (p. 131), il donne le chiffre de 230 000 pour les «tués» en Bessarabie, en Bukovine et en Dobroudja méridionale, en faisant les mêmes réserves. A titre d'exemple de la nécessité de jongler véritablement avec les chiffres pour arriver à formuler n'importe quelle estimation pour des régions comme la Roumanie, voy. l'étude de cet auteur, op. cit., p. 129-134.
«[…] près de 3 millions étaient des nationaux ou des résidents de pays européens ou de territoires situés maintenant hors de l'Union soviétique» (voy. n° 5 ci-dessus).
Avertissement : Il ne faut pas prendre le tableau ci-dessous au pied de la lettre, car il a seulement pour but de montrer les possibilités de manipulation des données, dont chaque élément paraît se situer dans le domaine de la raison. Si l'on ne tient pas compte des points 7 et 8, on obtient un total de près de 4 millions.
Non compris les 133 000 hommes tombés dans l'armée rouge, chiffre que Lestschinsky porte à 200 000.
Avertissement : Cette estimation peut être trop forte ou trop faible, car le chiffre de Schwarz pour les pertes en territoire soviétique est hypothétique et celui de Kulischer entaché d'une marge d'erreur encore beaucoup plus grande. Cependant, le chiffre de 4 millions est probablement beaucoup plus proche du chiffre exact que les 5, 6 et 7 millions de certaines études. Et, bien entendu, 4 millions peut excéder la vérité de manière absurde, la plupart des chiffres qu'il faut bien utiliser étant avancés par des chercheurs juifs ou donnés par des juifs et des organismes juifs.
La remarque sur James Bryce est ironique. Pendant la première guerre mondiale, Lord James Bryce avait appuyé de toute son autorité les inventions britanniques de la propagande d'atrocités sur le compte des Allemands. F.H. Hankins, non sans raison, fait ici remarquer qu'il ne s'est trouvé, pendant la seconde guerre mondiale, aucune autorité de premier plan pour garantir l'authenticité d'un programme d'extermination des juifs ; les déclarations officielles des Alliés sur ce sujet sont restées impersonnelles et imprécises, en particulier la déclaration du 17 décembre 1942. NDLR.
Revue d’Histoire Révisionniste, n° 3, novembre-décembre 1990 - janvier 1991, p. 175-203
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